Design d'espace et mobilier intérieur
Laure Jaffuel et la naissance de mille formes :
"L’aménagement intérieur du lieu était décrit, dans mon contrat avec la Ville, comme une œuvre modulaire. Je pense que c’était un parti pris de la ville de faire appel à un designer, de vouloir quelque chose de signé et d’unique. C’était un challenge très fort. Le play-ground était le concept que je voulais proposer, j’avais l’intuition qu’un concept fort allait générer un aménagement de l’espace qui est comme une œuvre en soi. Je trouve que c’est un format qui fonctionne aussi bien pour les enfants que pour les adultes. J’ai toujours été très intéressée par le travail de Aldo van Eyck, qui a conçu les premiers play-ground publics en Hollande. J’ai aussi regardé du côté de l’école du Bauhaus qui met le jeu au cœur du système éducatif mais qui était une école pour les adultes. On a pu développer ce principe sur les choix de matériaux comme pour le sol, qui est un vrai sol technique de gymnase ou d’aire de jeu. Tout cela correspondait bien à l’idée très présente dans les équipes d’un travail participatif et ludique, comme on le retrouve dans les règles de vie de mille formes. Je me souviens aussi d’un travail très collaboratif avec les équipes de la Ville, avec l’équipe des curateurs, avec le Centre Pompidou, on sentait qu’on était vraiment engagés dans le projet. Je pense que ce projet va en alimenter d’autres, c’était une super belle aventure, humainement, de faire un espace complet.
Ma formation, à la base, c’est d’être un designer, donc plutôt de dessiner des objets. Et puis, de plus en plus j’ai commencé à travailler l’espace. Dans ce projet, ce que je trouve vraiment intéressant, c’était de dessiner des objets, des espaces mais aussi de concevoir de la programmation, c’est à dire comment un lieu fonctionne, c’est imaginer comment les gens vont passer dedans, comment leurs activités vont s’organiser. C’est une partie de mon activité que j’ai vraiment pu développer avec mille formes. Une autre spécificité de mon activité est la collaboration avec des artisans.
Avec mille formes, j’ai beaucoup appris dans les interactions avec eux. Par exemple, j’ai conduit pour la première fois un projet avec un souffleur de verre. Je n’avais jamais travaillé avec ce matériau ni avec ce type d’artisan, ça a alimenté ma palette de matériaux et de techniques. J’ai trouvé en Auvergne un savoir faire et une présence d’artisans très très développés. J’ai aussi travaillé pour la première fois avec de la pierre de lave. Cette opportunité était très enrichissante.
Ce qui m’intéresse le plus en tant que designer, c’est vraiment les projets qui ont une dimension humaine et sociale, les espaces qui génèrent un lien social ou les espaces qui sont au cœur d’une interaction sociale. Travailler avec un public enfant c’est génial, parce que le potentiel est illimité. Ça permet de pouvoir vraiment faire un espace ludique, un espace fort, bien que, dès le début, le parti pris était de ne pas faire un espace spécifiquement pour les enfants, même si l’espace au final est assez ludique.
Les choix des matériaux sont assez proches de l’air de jeu, l’idée c’était vraiment de faire un espace qui soit aussi agréable pour les parents, un espace qui fonctionne aussi pour les adultes, quand on a six ans, on se promène rarement sans ses parents ! C’est un lieu où on amène les parents par l’enfant.
In : Les premiers pas de mille formes, 2021